Meta rate l'acquisition de SSI à 32 Md$ mais recrute ses cerveaux

Zuckerberg dépense 14,3 milliards pour s'offrir le patron de Scale AI et vise l'entourage d'Ilya Sutskever

Meta intensifie sa guerre des talents dans l'intelligence artificielle avec une stratégie d'acquisition audacieuse. Après avoir échoué à racheter Safe Superintelligence (SSI), la startup d'Ilya Sutskever valorisée 32 milliards de dollars, Mark Zuckerberg a opté pour une approche indirecte : recruter les figures clés de l'écosystème gravitant autour du cofondateur d'OpenAI.

Cette offensive s'inscrit dans un contexte de frustration croissante du PDG de Meta face aux performances de ses équipes IA, particulièrement après l'accueil tiède réservé aux derniers modèles Llama 4. La réponse de Zuckerberg : investir massivement pour attirer les meilleurs talents externes.

L'échec de l'acquisition de SSI : Un plan B magistral

Meta avait initialement tenté de racheter Safe Superintelligence, l'entreprise fondée par Ilya Sutskever après son départ remarqué d'OpenAI en mai 2024. Cette startup, qui se concentre exclusivement sur le développement d'une superintelligence sûre, avait levé 1 milliard de dollars en septembre 2024 et atteint une valorisation de 32 milliards de dollars en mars 2025.

Face au refus de Sutskever, Zuckerberg a rapidement pivoté vers une stratégie alternative : recruter Daniel Gross, PDG et cofondateur de SSI, ainsi que Nat Friedman, ancien dirigeant de GitHub. Cette approche indirecte lui permet d'accéder à l'expertise et aux réseaux de ces figures influentes de l'écosystème IA.

Scale AI : L'investissement à 14,3 milliards qui change la donne

La semaine précédente, Meta avait déjà frappé fort en investissant 14,3 milliards de dollars dans Scale AI, s'offrant une participation de 49% dans la startup spécialisée dans l'étiquetage de données pour l'entraînement de modèles d'IA. L'opération s'accompagne du recrutement d'Alexandr Wang, le fondateur de 28 ans devenu milliardaire.

Wang, ancien colocataire de Sam Altman et figure reconnue de la Silicon Valley, apporte à Meta une connaissance intime des stratégies de tous les acteurs majeurs de l'IA. Son entreprise Scale AI travaille avec OpenAI, Google, Microsoft et Meta elle-même, donnant au jeune entrepreneur une vision panoramique unique du secteur.

"Ce que Meta achète, c'est le seul type qui sait ce que font tous les autres dans l'industrie de l'IA", résume Bloomberg dans son analyse de cette acquisition stratégique.

Daniel Gross et Nat Friedman : Deux poids lourds de la tech

Daniel Gross : De Apple à Safe Superintelligence

Daniel Gross incarne le profil du serial entrepreneur technologique. Après avoir fondé le moteur de recherche Cue, racheté par Apple en 2013, il a dirigé les efforts d'apprentissage automatique de la firme à la pomme et contribué au développement de Siri. Son passage chez Y Combinator en tant que partner lui a permis de développer un réseau d'exception avant de cofonder SSI aux côtés de Sutskever.

Sa nomination par Time parmi les personnalités les plus influentes de l'IA) témoigne de sa stature dans l'écosystème. Son arrivée chez Meta représente un transfert d'expertise considérable, particulièrement dans le domaine de la sécurité de l'IA.

Nat Friedman : L'expert de l'open source et de l'investissement

Nat Friedman apporte une expertise complémentaire avec son expérience d'ancien PDG de GitHub après l'acquisition par Microsoft en 2018. Son fonds d'investissement NFDG, qu'il co-dirige avec Gross, a soutenu des acteurs majeurs comme Coinbase, Figma, CoreWeave, Perplexity et Character.AI.

Friedman était déjà membre d'un groupe consultatif qui conseille les dirigeants de Meta sur les efforts d'IA de l'entreprise, facilitant ainsi son intégration dans la nouvelle structure.

Une équipe de superintelligence sous Alexander Wang

Ces recrutements s'articulent autour de la nomination d'Alexander Wang à la tête de la division IA de Meta. Le jeune prodige, qui avait quitté ses études au MIT pour fonder Scale AI, dirigera désormais l'effort de "superintelligence" de Meta, reportant directement à Zuckerberg.

Cette structure organisationnelle marque une rupture avec la tradition de Meta de privilégier les talents internes pour les postes stratégiques. La frustration de Zuckerberg face aux performances de ses équipes l'a poussé à parier sur des leaders externes reconnus pour leur capacité d'exécution.

Le fonds NFDG : Un bonus stratégique

Dans le cadre de l'accord, Meta acquiert également une participation dans NFDG, le fonds d'investissement de Gross et Friedman. Cette prise de participation, potentiellement supérieure à 1 milliard de dollars selon les estimations, donne à Meta un accès privilégié aux innovations émergentes du secteur.

Le portefeuille de NFDG, valorisé à plusieurs milliards de dollars, inclut des positions dans des entreprises clés de l'écosystème IA. Cette acquisition indirecte renforce la position stratégique de Meta sans nécessiter d'acquisitions directes coûteuses.

La guerre des talents s'intensifie

Les tactiques agressives d'OpenAI dénoncées

Sam Altman, PDG d'OpenAI, a révélé dans le podcast Uncapped que Meta proposait des "bonus contractuels massifs" pour attirer ses ingénieurs. Cette escalade dans les pratiques de recrutement illustre l'intensité de la compétition pour les meilleurs talents.

"La plupart de nos talents clés sont restés", a précisé Altman, tout en soulignant la pression croissante exercée sur les entreprises leaders pour retenir leurs équipes face aux offres concurrentielles.

Microsoft et la stratégie Inflection

Microsoft a récemment appliqué une stratégie similaire en recrutant Mustafa Suleyman, cofondateur de DeepMind, via l'acquisition de 650 millions de dollars d'Inflection AI. Cette opération, qui a vidé la startup de ses talents principaux, a créé un précédent dans les méthodes d'acquisition de talents dans la Silicon Valley.

Les enjeux stratégiques pour Meta

Rattraper le retard technologique

Meta fait face à des défis considérables dans la course à l'IA. Malgré son approche open source avec les modèles Llama et ses investissements massifs, l'entreprise peine à rivaliser avec OpenAI et Google sur le terrain des applications grand public.

Les derniers modèles Llama 4, dévoilés en avril, ont reçu un accueil mitigé de la part des développeurs. Cette déception a contribué à la décision de Zuckerberg de repenser fondamentalement sa stratégie de recrutement.

L'équipe de 50 personnes pour l'AGI

Meta recrute activement pour constituer une équipe de 50 personnes dédiée au développement de l'intelligence artificielle générale (AGI). Cette initiative, menée personnellement par Zuckerberg, vise à combler le retard perçu face aux concurrents.

Les recrutements de Wang, Gross et Friedman s'inscrivent dans cette stratégie plus large de renforcement des capacités internes en s'appuyant sur des talents externes reconnus.

L'impact sur l'écosystème IA

Un marché des talents en surchauffe

Ces opérations illustrent la surchauffe du marché des talents en intelligence artificielle. Les valorisations astronomiques et les packages de rémunération exceptionnels deviennent la norme pour attirer les profils les plus recherchés.

Cette escalade pose des questions sur la soutenabilité à long terme de telles pratiques et leur impact sur l'innovation dans des structures plus modestes.

La consolidation par le talent

L'émergence d'acquisitions centrées sur le talent plutôt que sur la technologie marque une évolution dans les stratégies de croissance des géants technologiques. Cette approche permet de contourner les obstacles réglementaires tout en accédant aux compétences clés.

Perspectives d'avenir

L'offensive de Meta dans la guerre des talents IA témoigne de l'importance stratégique accordée à cette technologie par les géants technologiques. Ces investissements massifs, bien qu'risqués, reflètent la conviction que la domination de l'IA déterminera les leaders technologiques de demain.

La capacité de Meta à intégrer efficacement ces nouveaux talents et à transformer leurs investissements en avantages concurrentiels durables sera déterminante pour l'avenir de l'entreprise dans l'écosystème de l'intelligence artificielle.

Dans cette bataille technologique et humaine, chaque ralliement stratégique devient un levier de puissance pour dominer le futur de l'IA, redéfinissant les rapports de force dans la Silicon Valley.